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La lutte contre le harcèlement scolaire constitue un enjeu majeur dans de nombreux pays, et le Danemark a mis en place depuis les années 90 une politique exemplaire qui mérite l’attention. En France, où le harcèlement à l’école reste une problématique très préoccupante, comme l’ont malheureusement révélé les récents événements, le modèle danois offre des pistes de réflexion et d’action intéressantes. C’est ce modèle, axé sur la prévention dès la maternelle, qu’est venu découvrir le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, le 22 septembre dernier afin de proposer une stratégie de lutte contre le harcèlement à l’école. Mais en quoi consiste réellement le plan anti-harcèlement danois ?
C’est accompagné de la princesse Mary de Danemark que le ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal a découvert la stratégie contre le harcèlement scolaire du Danemark, pays d’Europe qui, avec la Suède, affiche le taux de harcèlement scolaire le plus bas avec moins de 8% selon la dernière étude du ministère des enfants et de l’éducation. Et pourtant, jusqu’au début des années 2000, le Danemark faisait figure de mauvais élève. C’est ce qui a conduit à la mise en place d’un ambitieux plan pour le bien-être à l’école, porté notamment par le programme « Fri for mobberi », inspiré d’une initiative australienne.
Bien sûr, le harcèlement n’a pas disparu mais les résultats positifs de la politique danoise sont indéniables. Les statistiques montrent une diminution significative des cas de harcèlement à l’école depuis la mise en œuvre de ces mesures. Mais la stratégie danoise ne se limite pas seulement à des cours d’empathie à l’école, dont on parle beaucoup en France. Il s’agit d’une stratégie plus globale qui inclut toute la société et impacte son quotidien. Au centre du dispositif les enfants et les enseignants mais aussi et d’abord les parents !
L’éducation des parents par l’école, pour le bien-être des enfants
À chaque rentrée des classes au Danemark, une réunion entre parents et enseignants est organisée pour aborder divers sujets, parmi lesquels la politique anti-harcèlement occupe une place primordiale. Des règles pourtant évidentes sont également rappelées aux parents pour le bien-être des enfants à l’école.
L’école souligne notamment l’importance pour les parents de ne pas discuter négativement des enseignants ou des responsables de l’école, de donner un avis ou porter un jugement sur un autre enfant devant son enfant. La communication régulière entre les parents et les enseignants est encouragée pour résoudre rapidement toute situation potentiellement problématique. Si par exemple un enfant rapporte aux parents une situation problématique, le premier réflexe avant de prendre position, est d’en parler avec le professeur. La réalité des enfants peut être différente de celle des professeurs. Un travail d’équipe et d’observation peut alors être mis en place.
Le dialogue permet ainsi de désamorcer rapidement une situation.
Des événements entre parents d’élèves pour favoriser l’esprit communautaire
Le travail sur le harcèlement scolaire est abordé comme une initiative collective, impliquant l’école, les enfants et les parents. Des événements réguliers sont organisés tout au long de l’année scolaire, favorisant une meilleure connaissance mutuelle entre les parents. Ces rencontres informelles contribuent à renforcer le tissu social, réduisant ainsi les risques de situations de harcèlement.
Dans l’école de Mani, les parents et l’école ont par exemple mis en place de nombreux événements conviviaux pour resserrer les liens de la communauté :
- 2 fois par an : une sortie entre parents dans un bar ou un restaurant
- 1 fois par an : une sortie entres mamans et entra papas
- 1 fois par an : une nuit camping dans la nature avec enfants et parents
- 1 fois par an : une soirée pizzas organisée par l’école avec toute la famille
Des événements inclusifs qui n’excluent aucun enfant
Pour garantir l’intégration de chaque enfant et éviter les mises à l’écart, des règles spécifiques sont instaurées dans les classes danoises.
Les anniversaires sont ainsi célébrés de manière inclusive. Pas question de n’inviter que quelques camarades triés sur le volet pour son goûter d’anniversaire. Ici, tout la classe doit être invitée (ou seulement les filles/garçons en fonction du nombre d’enfants.)
Chaque trimestre, l’enseignant créé des groupes de jeux différents, de petits groupes de 4 à 5 enfants qui seront à tour de rôle invités dans chacune des familles respectives pour un goûter à la maison. Objectif : sortir les enfants de leur cercle habituel afin de connaitre le quotidien des autres enfants les aident à créer une relation saine.
Un cadeau d’anniversaire pour tous les enfants. Dans la plupart des écoles danoises, il est d’usage que chaque enfant ait droit a un cadeau pour son anniversaire. Un cadeau commun, acheté par le dernier en date qui a fêté son anniversaire, est ainsi remis au nom de toute la classe.
Des outils pédagogiques et un programme structuré : Fri for Mobberi
Mis en place dès 2005, le programme « Fri for Mobberi » (littérallement « libre de harcèlement ») est un programme de prévention au harcèlement à l’école qui a été développé à partir d’une initiative australienne (Better Buddies) sous l’égide de la princesse Mary et de l’association Red Barnet.
Adopté par plus de la moitié des écoles du royaume, ce programme constitue un outil précieux pour les enseignants danois et les aident à structurer leurs cours. Proposant des outils et du matériel pédagogique adapté à chaque âge, il facilite ainsi la préparation des leçons et assurant une approche cohérente de la prévention du harcèlement à l’école.
Les cours de bien-être à l’école
Les petits danois bénéficient de cours de bien-être (trivelse en danois) ou cours d’empathie, où ils explorent leurs émotions à travers des jeux de rôle et des mises en scène. Faisant partie intégrante du programme officiel dès la maternelle depuis les années 70, ces séances visent à créer un environnement où chaque élève se sent bien, inclus et épanoui au sein de sa classe et plus généralement à l’école. Chacun est alors libre d’évoquer ses difficultés, ses peurs. En fonction de l’âge, le professeur peut aussi initier des discutions pour répondre à des problématiques particulières rencontrées dans la classe.
J’ai eu la chance d’assister récemment à une séance d’un cours de bien-être dans la classe de Mani à l’école primaire. Parmi les jeux proposés , j’ai trouvé que la mise en scène des émotions liés au harcèlement était particulièrement une bonne idée, facile à reproduire à la maison au quotidien.
Ce jour là, un enfant était chargé de dessiner au tableau 4 visages : celui d’un enfant qui s’amuse avec un autre, celui d’un enfant qui taquine son camarade, celui d’un enfant qui embête un autre enfant et enfant celui d’un enfant qui harcèle. Les autres enfants étaient invités à décrire et expliquer les différences entre les visages en donnant des exemples de situations qui leur étaient arrivées par le passé.
Pour les enfants, l’important est bien sûr de reconnaitre une situation de harcèlement pour ne pas y participer et la dénoncer immédiatement.
Ce qui m’a également marqué c’est que dans chaque classe, il y a une petite peluche posée sur une étagère. Si un enfant se sent triste, mal, inconfortable, il peut prendre la peluche. Cela sera donc un signe pour les autres enfants ou l’enseignant, qui pourront alors aider l’enfant à extérioriser son ressenti. La peluche peut aussi être donnée par un enfant à un autre, s’il observe qu’il va mal. Les enfants peuvent analyser un sentiment négatif mais ne peuvent pas toujours agir. Utiliser la peluche facilite beaucoup la communication, quel que soit l’âge.
Les cartes des émotions
Parmi les outils utilisés, on trouve les cartes des émotions, qui sont intégrées aux activités scolaires pour aider les enfants à reconnaître, à comprendre et à parler de leurs émotions. Cet outil favorise le développement de compétences émotionnelles cruciales pour la vie future des élèves.
Téléchargez les cartes des émotions
Transformez les émotions en jeu en utilisant le tableau des émotions comme jeu de memory !
Bien sûr la réussite de la politique de prévention du harcèlement scolaire est intimement lié aux spécificités de la système danois, qui compte peu de classes surchargées, une absence de compétition entre les élèves et une même classe du CP à la terminale ! Toutefois, la politique anti-harcèlement danoise offre un modèle inspirant pour de nombreux pays, dont la France, cherchant à promouvoir un environnement scolaire sain et inclusif. Les leçons tirées de cette approche globale peuvent contribuer à façonner des politiques similaires et à créer des communautés éducatives plus résiliantes. Si Gabriel Attal a conclu sa visite en disant « Je veux contribuer à bâtir une école qui rend heureux », nous espérons qu’il a rapporté dans ces valises « quelques ingrédients de la recette du bonheur danois».